Cette page est dédiée à tous ceux qui, comme moi, ont passé des journées entières à saisir les programmes |
Les illustrations de Carali ont | |
Tilt |
Alors, dis-moi tout... Comment t'es venue l'idée de faire un journal de micro ? |
G.Ceccaldi |
C'est assez simple à expliquer. Un jour, je passais devant chez Illel, un magasin situé pas trés loin de l'endroit où j'habitais à l'époque. En vitrine, il y avait un ordinateur Texas Instrument TI 99 4A dont le programme avait sauté. Le listing était affiché : il y avait plein de chiffres bizarres à l'écran. Je suis entré dans le magasin pour qu'on m'explique et une heure plus tard je suis sorti avec un TI sous le bras. J'ai alors commencé à chercher des bouquins qui parlaient de ma bécane, mais il n'y en avait pas. J'ai décidé d'écrire un livre sur le TI99-4A. Il s'appelait "Jeux et Programmes pour l'ordinateur TI 99 4A". |
Tilt |
Il s'est bien vendu ? |
G.Ceccaldi |
Oui, 60 000 exemplaires malgré les bugs ! Ça s'explique par le fait qu'il était mis en place dans les FNAC au rayon micro et pas en librairie. |
Tilt |
Bon, mais comment t'es venue l'idée de faire Hebdogiciel ? |
G.Ceccaldi |
Comme mon livre a bien marché, j'ai décidé de faire la même chose pour toutes les machines. Et puis comme il n'y avait pas de revues dédiées, ni de listings, j'ai décidé de faire un périodique. |
Tilt |
Et pourquoi avoir choisi de faire un hebdo ? |
G.Ceccaldi |
Parce que tous les autres journaux étaient mensuels ! |
Tilt |
Tu avais déjà fait des journaux avant ? |
G.Ceccaldi |
Non !!! Et les premiers entretiens avec les fournisseurs - imprimeur, photocomposeur et autres étaient marrants : on n'y comprenait rien ! Bref, ils ne nous faisaient absolument pas confiance et au début on a été obligé de payer cash ! |
Tilt | Justement, d'où venait l'argent ? |
G.Ceccaldi |
De la vente des bouquins, tiens ! |
Tilt |
Dans quelles conditions est sorti le premier numéro d'Hebdogiciel ? | G.Ceccaldi |
Le premier numéro faisait huit pages et on l'a lancé à l'occasion du Sicob 1983 après une charrette de 98 heures ! Je me rappelle que j'avais été interviewé par une radio libre : 95.2. Mais l'emission n'est jamais passée. Faut dire que j'avais été nul, j'avais rien à dire! |
Tilt |
A l'époque, vous étiez combien ? | G.Ceccaldi |
On était cinq : deux à la maquette et trois bidouilleurs dont un plus ou moins à mi-temps parce qu'il faisait autre chose. |
Tilt |
D'où venaient les premiers listings ? | G.Ceccaldi |
On les avait fait nous-mêmes sur une dizaine de machines prêtées par les fabricants et importateurs. On n'en connaissait pas la moitié et on s'est débrouillé avec les manuels pour faire des programmes. Forcément, les premiers n'étaient pas terribles... |
Tilt |
Et pour la promotion, pour faire connaître Hebdogiciel, comment t'y es-tu pris ? |
G.Ceccaldi |
Comme on n'avait pas d'argent pour la pub (on devait payer cash les fournisseurs), on a tiré 10 000 exemplaires de la couv (NDLR : abréviation de couverture) du premier numéro qu'on est allé distribuer sur le parvis du Sicob. A chaque fois qu'on voyait un mec y aller, on lui donnait une couv. Mais on se faisait courser par les flics parce que pour faire ça, nous aurions dû avoir un stand sur le Sicob ! |
Tilt |
Résultat ? |
G.Ceccaldi |
Aussi incroyable que ça puisse paraître, le premier numéro s'est vendu à 12 000 exemplaires. Il faut voir qu'à l'époque, il n'y avait pas grand chose pour les machines présentes sur le marché. |
Tilt |
Et ensuite ? |
G.Ceccaldi |
Les programmes de lecteurs ont commencé à venir et le journal est parti comme ça, sans changement de formule pendant un an. Nous, on bossait de moins en moins puisqu'on avait plus qu'à tester les listings qu'on recevait. Bref, on a marché sur la programmation. |
Tilt |
Comment sont arrivés les premiers articles ? |
G.Ceccaldi |
Un an après le lancement du journal, Atari a décidé de lancer une gamme de softs. C'est là qu'on a fait le premier rédactionnel en titrant : "Atari nous prend pour des cons !" |
Tilt |
Raconte... |
G.Ceccaldi |
Ils devaient sortir divers softs pour plusieurs machines. Ils sont venus nous voir pour nous proposer un deal : on leur passait des pubs gratos et on pouvait vendre les softs par correspondance moins cher que les autres (280 F au lieu de 1000 F). On a commencé à passer les pubs et les commandes sont arrivées. Mais on n'était pas livré sur certaines machines. Normal : un certain nombre de softs ne sont jamais sortis ! Atari nous avait vraiment pris pour des cons, nous et nos lecteurs. Ensuite on ne s'est jamais arrêté de défendre la veuve et l'orphelin. On emmerdait le monde pour le plaisir. |
Tilt |
D'où : Ceccaldi égal Dieu ? |
G.Ceccaldi |
Oui, c'est ça ! |
Tilt |
Par la suite, les articles n'ont-ils pas pris une place trop importante par rapport aux listings ? |
G.Ceccaldi |
Non, le rédactionnel n'a jamais empiété sur les listings ! |
Tilt |
Et les procès dans tout ca ? |
G.Ceccaldi |
Il y a eu trois gros procès, tous intentés par Amstrad. Le premier, c'était parce qu'on avait fait une couverture où on voyait un dessin de Maëster représentant Alan Michael Sugar (NDA : le PDG d'Amstrad) avec un T-Shirt sur lequel était marqué Gros Porc en anglais, ou un truc dans le genre. Amstrad nous a attaqué pour injure publique mais ils ont perdu. Le second procès qu'il nous a fait, c'était parce qu'on avait déposé le nom d'Amstrad Magazine. Ils l'ont perdu aussi parce qu'à l'époque Amstrad n'était pas très connu. Si quelqu'un dépose aujourd'hui Renault Magazine et que la régie lui fait un procès, il est sûr de perdre ! Le troisième gros procès qu'Amstrad a intenté contre nous l'a été parce qu'on avait fait une couverture avec un faux Amstrad : le CPC 5512, sorte de 6128 avec 512 Ko de Ram, un lecteur de disquettes cinq pouces un quart et un intégrateur graphique. Ils demandaient un milliard de dommages et intérêt ! Là encore, Amstrad a perdu. |
Tilt |
Et les autres procès ? |
G.Ceccaldi |
Je m'en souviens plus : il y en avait trop ! Ah si, je me rappelle qu'Amstrad nous avait fait un procès pour empêcher Shift Editions (NDLR : société éditrice d'Hebdogiciel) de sortir Amstrad Hebdo. Ils ont été déboutés parce que nous étions propriétaires de la marque pour la presse. |
Tilt |
Quelles étaient les ventes moyennes d'Hebdogiciel ? |
G.Ceccaldi |
J'en sais rien ! Je me souviens qu'une fois on a atteint les 80 000 exemplaires pour un seul et même numéro ! |
Tilt |
C'est énorme ! Et à la fin ? |
G.Ceccaldi |
On tournait aux alentours des 34 à 35 000 exemplaires par semaine. En fait on n'a jamais arrêté de grossir jusqu'au développement du CPC d'Amstrad. Pour le banc d'essai de cette machine, on avait titré : "Attention, cet ordinateur est dangereux". On avait raison ! Le CPC a commencé à prendre des parts de marché à plein de petites machines dont nous étions les seuls à parler. Les importateurs de ces machines n'ont pas pû résister très longtemps et le marché est devenu beaucoup trop mouvant. Pas mal d'acheteurs ont été dégoûtés de la micro parce qu'ils avaient acheté une machine 5 ou 6000 balles et que six mois après, plus rien : plus d'importateur, plus de S.A.V. Résultat : ils ne lisaient plus Hebdogiciel ! |
Tilt |
D'où l'idée du club, histoire de renflouer un peu le journal... |
G.Ceccaldi |
Non, le but du club n'était pas de faire du fric mais nous voulions avoir une activité normale de distributeur normal pour moraliser le milieu. |
Tilt |
Le milieu des gros et gras grossistes ? |
G.Ceccaldi |
Oui. Des softs vendus 99 F prix public en Grande Bretagne se retrouviant à 1100 F et plus en France. Compte tenu de la marge grossiste, cela veut dire que les importateurs n'hésitaient pas à multiplier par quatre ou cinq le prix des softs ! Un importateur normal se contente de prendre 100 %, c'est ce que faisait le club : nous achetions comme les autres pour revendre les softs en faisant une marge normale et sans baiser l'acheteur. |
Tilt |
Le club a été mal accueilli par la profession, non ? |
G.Ceccaldi |
Ça a été une véritable levée de boucliers, oui ! De nombreux éditeurs refusaient de nous vendre leur softs. Nous les avons tous attaqués, on a tous été déboutés et ils ont continué comme si de rien n'était parce que les grossistes faisaient pression sur eux. La concurrence est libre officiellement. La justice dit que la concurrence est libre mais en pratique la concurrence n'est pas libre en France ! En fait, on a été obligé de renvoyer 100 % des chèques faits à l'ordre du club par les membres parce qu'on n'était pas livré ! |
Tilt |
A la fin, il y avait combien de personnes ? |
G.Ceccaldi |
En tout, l'équipe comprenait quarantes et une personnes dont quelques pigistes qui bossaient tous les mois pour nous. |
Tilt |
Quarante et une personnes sur Hebdogiciel ? |
G.Ceccaldi |
Non, on avait aussi Amstrad Hebdo, Marcel, les numéros hors-série d'Hebdogiciel et le club ! |
Tilt |
Cela dit, ça n'explique pas pourquoi Hebdogiciel s'est arrêté ! |
G.Ceccaldi |
On ne s'est pas arrêté à cause du club ni à cause des procès mais parce qu'on en avait ras le bol ! |
Tilt |
Mais pourquoi une fin si brutale ? |
G.Ceccaldi |
A cause des abonnés, du club : on est parti la queue entre les jambes. On ne pouvait pas arrêter noblement... |
Tilt |
Cela dit, quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui désire monter un journal ? |
G.Ceccaldi |
Il faut faire gaffe à la gestion. Moi, j'ai jamais eu le temps de me pencher là dessus, pourtant c'est essentiel. |
Tilt |
Financièrement, Hebdogiciel ça a donné quoi ? |
G.Ceccaldi |
Sur le premier exercice, on a perdu cinq briques. Le second a été équilibré et le troisième s'est soldé par six millions de pertes. Mais tout était viable ! |
Tilt |
A ton avis, si quelqu'un veut lancer un canard, quelle est la bonne formule ? |
G.Ceccaldi |
C'est pas de faire un hebdo, c'est trop fatiguant. Le reste, j'en sais rien ! |
Tilt |
Au fait, depuis le fin d'Hebdogiciel qu'est-ce que tu as fait ? |
G.Ceccaldi |
Je me suis amusé. J'ai fait un enfant. Je me suis reposé. |
Tilt |
Et maintenant ? |
G.Ceccaldi |
Je veux voir le papier avant qu'il soit publié, sinon, crac, procès ! |